Amiante : vers la reconnaissance d'une maladie professionnelle ?

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Malgré son interdiction en 1997, l’amiante continue d’être responsable de l’apparition de nombreuses pathologies généralement incurables et qui se déclarent le plus souvent des années, voire des décennies, après la période d’exposition. D’où la difficulté d’établir les responsabilités, d’obtenir une reconnaissance des préjudices et de parvenir à considérer l’exposition à l’amiante comme une maladie professionnelle pour les salariés concernés.

L'amiante : une maladie professionnelle ?
La notion de maladie professionnelle a émergé à la fin du XIXe siècle dans les pays industrialisés. La céruse, causée par l’exposition au plomb, puis la silicose, contractée dans les mines de charbon, ont conduit les États à légiférer sur le statut de maladie professionnelle. En France, la loi de 1919 a permis de dresser une liste de pathologies pouvant être reconnues comme telles. Dès la première moitié du XXe siècle, les instances internationales ont également pesé de façon importante sur les maladies ainsi recensées.

La dangerosité de l’amiante fut établie une première fois, dès 1906, par un inspecteur du travail dans une usine textile en Normandie. Mais faire évoluer les mentalités demande du temps entre querelles d’experts et intérêts économiques. D’autant plus que l’amiante a continué à se répandre en raison de ses propriétés ignifuges et d’isolant et de son faible coût. Les bâtiments, les routes ou encore certains produits industriels ont intégré dans leur fabrication des traces de ce matériaux fibreux. Les risques ne concernent donc pas uniquement les salariés manipulant ce produit dangereux mais bien toutes les personnes exposées dans le cadre de leur profession. Cette dimension environnementale a causé des difficultés dans la reconnaissance de la notion de maladie professionnelle car elle ne résulte pas d’une mauvaise organisation du travail et le développement des pathologies peut trouver des origines multiples qui sont difficiles à démontrer. Le cas de l’université de Jussieu, par l’ampleur de son impact sanitaire, a malgré tout permis de faire avancer les choses durant les années 1970, mais l’interdiction de l’amiante n’est intervenue qu’en 1997. Surtout, aucune décision n’a été prise depuis quant à la reconnaissance comme maladie professionnelle de l’exposition à l’amiante des salariés.

Aujourd’hui, le cas de l’amiante risque d’entrainer une transformation dans la notion de maladie professionnelle. En effet, jusqu’alors, il s’agissait avant tout d’un combat syndical ou politique, mais l’ampleur du désastre sanitaire de l’amiante engendre une judiciarisation des procédures pour faire reconnaitre les préjudices et la responsabilité des employeurs.

La reconnaissance du préjudice d’anxiété : un long combat pour les salariés
Si le statut de maladie professionnelle pour l’amiante n’est pas encore reconnu, d’autres décisions judiciaires permettent tout de même aux salariés ou ex-salariés d’obtenir des compensations. En effet, depuis mai 2010 et un arrêt de la Cour de cassation, l’exposition à l’amiante dans un cadre professionnel justifie à elle seule un dédommagement pour préjudice d’anxiété. La Cour a alors considéré que l’angoisse provoquée par les risques de développer une pathologie grave constituait un motif valable d’indemnisation. C’est ainsi que la société d’équipement automobile Valéo a été condamnée aux Prud'hommes, en mars 2015, à verser 500 euros d’indemnités par année d’ancienneté à titre de dommages et intérêts à certains de ses salariés qui ont été exposés à l’amiante.

D’autres actions sont actuellement en cours d’instruction comme à Bordeaux où près de 600 employés du CHU ont été exposés pendant de nombreuses années à des produits amiantés. Une quarantaine d’entre eux a déposé en juin 2013 un recours au tribunal administratif de la ville afin d’obtenir une réparation pour préjudice d’anxiété.